[Recommandations] Les méditations de David Lynch
Parce que le cinéma se voit mais s’écoute aussi, je me plais parfois à me perdre dans le flot de paroles des artistes intervenant dans le cadre audiovisuel (podcast, radio …). De temps en temps, j’utiliserai ainsi cette page comme un carnet de notes et de recommandations sur des flots de paroles de tous horizons ayant suscité mon intérêt ou stimulé ma curiosité.
Les trivialités du monde
C’est ainsi qu’en cette période de crise sanitaire, La Grande table propose une série de podcasts axée autour de réflexions concernant « le monde d’après ». Cet événement si exceptionnel constituera-t-il la parenthèse d’un monde lancé à toute vitesse et qui ne peut plus ralentir ? Ou, au contraire, va-t-il agiter les consciences et les unir dans une volonté de (re)construction de demain ? Et qui d’aussi pertinent qu’un cinéaste de films-mondes tel que David Lynch pour problématique ? Pendant une trentaine de minutes, il médite ainsi sur l’actualité et sur les trivialités du quotidien. Il rappelle combien chaque parcelle la plus ordinaire du quotidien le fascine. Pourquoi les gens s’évertuent-ils tant à parler météo ? Comme dans ses films, il rappelle que certaines questions sont ontologiquement insaisissables. La vie constitue une suite d’interrogations sans réponses et une pulsion insondable conditionne un rapport mécanique et intuitif à notre environnement mais aussi aux autres. C’est ainsi qu’il se plait à littéralement parler de la pluie et du bon temps dans sa chaine personnelle ; rappelant par là l’émerveillement constant que les mutations des modes de communication et par extension, du monde, lui inspirent et engendrent chez lui.
Les images-verbes
Fidèle à lui-même, David Lynch verrouille les explications verbales de ses films et rappelle à quel point il croit férocement en l’Espéranto visuel, à l’universalité du langage cinématographique. Ses mots laissent place à des images et à de nombreuses analogies tout au long de ce riche entretien. Il y rappelle que la condition sine qua non du cinéma, c’est la liberté. Il revient ainsi sans amertume sur une expérience hollywoodienne qu’il assume et qu’il chérit sans regrets malgré les embûches et les désillusions ; conscient de l’amour paradoxal que cette industrie lui porte tout en l’ayant malmené.
Transcendance vitale
Bien qu’il soutienne les mutations de l’expérience cinématographique et déplore la dégradation des conditions de visionnage des films au sein des salles de cinéma, Lynch rappelle à quel point il affectionne l’exaltation collective que le Grand écran rend possible. Et qu’en est-il désormais de cette grande salle de cinéma qu’est le monde ? Pour Lynch, nous vivons dans âge sombre, une phase transitoire qui nous amènerait, ensuite, vers « un nouveau monde plus aimant ». Le monde de demain jaillira de la conscience collective et de son envie de bâtir un monde nouveau. Pour autant, l’époque dans laquelle nous vivons, aussi surréaliste soit-elle, aurait trouvé un sens dans cette crise. Ne manque plus, pour Lynch, que l’acception de l’autre, de toutes les diversités. Sa vision de l’Univers est bucolique et il compare notre monde à « un jardin » et les individus sont des « fleurs ». Dans un monde et une Société parfois vampirisée par un voile de cynisme écrasant, cette lucidité humaniste (ou cet humanisme lucide) fait du bien à l’esprit et à l’âme.
Un podcast à (ré)écouter ici :
https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-dete/les-meditations-de-david-lynch